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La France, ou l'art de sortir de l'Histoire
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6 août 2010

Petite sémantique d'économie

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Autant vous le dire tout de suite : je n'ai qu'une formation de base en économie. Je suis quasi-ignorant. D’ailleurs, je ne devrais plus parler d’ « économie », mais plutôt de « science économique ».


Un détail. Simple évolution sémantique me direz-vous. Si seulement... Que sous-tend le concept de « science » aujourd'hui ? Par définition, est scientifique ce qui repose sur une méthode qui a une validité universelle et, si on extrapole un peu, qui doit déboucher sur une vérité incontestable et définitive. Nous arrivons ainsi à une évidence : la science est devenue un totalitarisme ! Un totalitarisme qui fonctionne d’autant mieux qu’il repose sur une ignorance généralisée et conditionnée par sa volonté de s'émanciper du monde tangible. A l'abri, dans son univers parfaitement rationnel, inintelligible au plus grand nombre, la science sait qu'on n'a plus d'autre choix que de se soumettre à sa loi, docilement. Edmond Husserl soulignait déjà ce phénomène en 1936 dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, de même qu'Hannah Arendt dans sa Crise de la culture et, plus récemment, François Lurça dans son essai De la science à l’ignorance.


Cependant, loin l’idée, dans cet article, de contester les avancées de la science. Il est indéniable qu’elles confèrent une source de puissance pour qui les maîtrise. Cependant, il en va tout autrement de leurs fondements idéologiques et, par extension, méthodologiques.

 

Pour illustrer cela, je vais reprendre une anecdote édifiante concernant Albert Einstein. En 1919, on lui apprit que les résultats d’une observation astronomique confirmaient sa théorie de la relativité générale. On lui demanda alors ce qu’il aurait pensé si les mesures des astronomes l’avaient contredit. Einstein répondit froidement : « J’en aurais été bien fâché pour le cher Bon Dieu : la théorie est juste. »

 

Ce qu’on pourrait prendre pour de l’arrogance est, en réalité, la thèse dominante au sein de la communauté des scientifiques et des philosophes des sciences, comme Bachelard et ses successeurs. L’expérience n’a plus rien à nous apprendre.

C’est ce mode de pensée qui explique qu’on assiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à une véritable explosion des théories supposément scientifiques appliquées à tous les domaines de la connaissance, au premier rang desquels se trouve l'économie. Le fait que ces théories se contre disent les unes les autres importe peu, puisqu'elles concordent toutes sur un point : l’économie répond à des règles intelligibles et parfaitement rationnelles. Bref, l’économie est devenue une science au même titre que les mathématiques. Si les résultats constatés ne sont pas ceux escomptés, tant pis ! La théorie est juste. Il faut juste augmenter le coefficient d’incertitude (comprendre des comportements irrationnels) et on retombera sur nos pieds.

 

Il est alors amusant de constater à quel point la théorie a influé sur le champ sémantique de l’économie (la vraie, pas la science). Désormais, les indicateurs de contrôle des résultats ne sont plus exprimés en termes d’« objectifs », mais en termes de « prévisions ». Évolution majeure, car, si un objectif est un but à atteindre, pas forcément rationnel, une prévision est ce qui arrive lorsqu’on suit la théorie à la lettre. Comme la théorie ne peut anticiper les évènements imprévisibles (ou plutôt, qu’on ne peut pas encore prévoir), on se permet des prévisions hautes et basses (des morceaux de scotch) qui se révèlent, au bout du compte, fausses toutes les deux.

 

Certains diront qu’Einstein et Bachelard ont raison, la théorie est juste, la science économique a raison, simplement, elle n’a pas encore trouvé la bonne équation. Peut-être. Mais en attendant, tout le monde reste les yeux rivés sur les prévisions, appliquant la théorie, sans rien y comprendre, aucunement concerné. Alors l’économie se casse la gueule sans que la science puisse y faire grand-chose.

Au final, que reste-t-il ? Des savants qui élaborent des théories justes, pour des ignorants incapables de les appliquer correctement. C’est cela la science : une vérité incontestable qui n’existe pas. En somme, comme tous les totalitarismes, la science est une utopie.


Kleio

A voir : http://www.autisme-economie.org/

Références bibliographiques :

Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Presse Universitaire de France, 1934.

Hannah Arendt, La crise de la Culture, Gallimard, 1972.

Edmond Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Gallimard, 2004.

François Lurça, De la science à l’ignorance, Ed. du Rocher, Paris, 2001.

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Commentaires
E
After read blog topic's related post now I feel my research is almost completed. happy to see that.Thanks to share this brilliant matter.
A
Très bonne continuation à toi aussi.. Très intéressant et je partage ton analyse sur les Sciences économiques, qui, effectivement, tendent à formuler des théories s'appuyant sur les mathématiques, mais dont l'essentiel reste soumis à des théories de probabilité. Dans le terme de science, il y a aussi la notion d'être vérifiable par l'expérimentation... Ce n'est pas le cas de l'économie, qui tant à théorisé de manière rétroactive et de chercher, ensuite, des rapprochements et des corrélations...<br /> Très intéressant
L
le grand drame de notre époque, c'est que l'économie a pris le pas sur la politique. Aujourd'hui, on nous parle de croissance, de pouvoir d'achat quand autrefois on parlait de qualité de vie, de conditions sociales. A quoi peut bien servir la croissance ou le pouvoir d'achat dans un monde où tout le reste est accessoire ?
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