Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La France, ou l'art de sortir de l'Histoire

La France, ou l'art de sortir de l'Histoire
La France, ou l'art de sortir de l'Histoire
18 août 2010

DesLivresEtNous !

lecteur_ebook

Le livre numérique… Tout le monde en parle… Tout le monde fantasme dessus… Mais qu’en est-il réellement ?

Je ne vais pas rentrer dans le débat « Google », tout a déjà été dit sur le sujet.

Je me contenterai de présenter ici le véritable enjeu que représente le livre numérique pour l’économie éditoriale française.

 

Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’argent. Les éditeurs ont bien compris que le numérique leurs offrait une opportunité de se goinfrer des marges extraordinaires et, par conséquent, de redynamiser un secteur qui semble être arrivé à maturité en France (progression des ventes en valeur comprise entre +1,8% et -1% par an depuis 2005), c’est-à-dire à une stagnation du chiffre d’affaires (autour de 5 milliards d’euros).

L’enjeu est de taille : avec le numérique, plus besoin d’intermédiaires. Fini les imprimeurs, les libraires ou les distributeurs. La part des éditeurs sur le prix de vente d'un livre passerait ainsi de 15% à, potentiellement, 72%, voir bien plus.


Je sais bien que les maisons d’édition sont des entreprises comme les autres, avec les mêmes exigences et les mêmes responsabilités. Par conséquent, je ne me permettrai jamais de critiquer leur volonté d’améliorer leur rentabilité. Par contre, ce que je condamne, c’est leur malhonnêteté intellectuelle.

En effet, les groupes d’édition veulent nous faire croire que le numérique représente une avancée incontournable et incontestable pour le livre. Leurs arguments ? En vrac : écologie, durabilité, accessibilité, portabilité, confort, et surtout coût…

 

Faux ! Archi faux !

 

L’écologie ? Vous voulez me faire croire que les productions de tablettes numériques et de liseuses sont moins nocives pour la planète que l’industrie du papier ? Vous croyez qu’elles se recyclent bien ?

 

Durabilité ? Un ordinateur aussi est durable, pourtant on le change tous les deux ans, avec toutes les pertes de fichiers que cela représente. De plus, on sait à présent que les fichiers vieillissent mal, et disparaissent avec le temps, sans compter l’évolution ininterrompue des formats et des supports qui font qu’au bout de trois ans, on ne peut même plus lire les fichiers les plus anciens. Qui a encore un lecteur de disquettes aujourd’hui ? De plus en plus d’ordinateur n’ont même plus de lecteur de DVD. Rien ne se démode plus vite qu’un support supposément durable.

 

Accessibilité ? Sans doute le meilleur argument. A mon sens le seul valable. Mais si loin d'être réalisé ! Qui peut croire que les ouvrages les plus rares seront laissés en libre accès à tout le monde, alors même que les bibliothèques dépensent des fortunes pour les acheter et garder une certaine notoriété aux yeux de la communauté scientifique internationale ?

 

Portabilité ? Certes, mais la portabilité ne veut pas forcément dire pratique ! A mon sens, il s’agit d’un non argument. Le gain de place ne résout pas tous les problèmes. Comment fera-t-on lorsqu’on aura besoin de travailler sur plusieurs livres en même temps ? On achètera plusieurs liseuses ? Qui osera amener son IPad sur la plage ?

 

Confort ? Personnellement, l’uniformité de tous les livres au format d’un même écran me déplaît profondément. Mais ce n’est que mon avis. Après, il est vrai que les derniers écrans ne fatiguent plus les yeux… Mais les livres non plus.

 

Coût ? Et bien, faisons un rapide calcul :

Pour le livre numérique :

- La liseuse la moins chère coûte environ 200€, et je pense qu’on peut lui attribuer raisonnablement une durée de vie de 3 ans.

- Ajoutons à cela l’achat de 25 livres numériques par ans (hypothèse très honnête, lorsqu’on sait que seul 6% de Français achète 25 livres ou plus par an) à 9,99 €

- Résultat : 200€ + (25 livres x 9,99€ x 3ans) = 949,25€

Pour le livre papier :

- Le prix d’achat moyen d’un livre était d’environ 11,60€ en 2007

- À raison de 30 livres achetés par ans durant 3 ans

- Résultat : 11,60€ x 25 livres x 3ans = 870€

Par contre, ce qui est vrai c’est qu’à l’heure actuelle, un éditeur qui vend un livre papier à 11,60 € ne touche que 1,74€, alors que sur un livre numérique à 9,99€ il pourrait toucher jusqu’à 7,19€… CQFD

 

Et pourtant, malgré cette propagande douteuse, le numérique ne perce toujours pas en France. Tout sauf une surprise, puisque même sur le marché Japonais, pourtant très ouvert sur les nouvelles technologies, on constate que le livre numérique stagne et à même tendance à reculer L’effet pub passé, l’offre à du mal à répondre aux promesses.

 

Encore plus révélateur de ce malaise de l’édition française, l’enquête menée par Ipsos, publiée en mars 2010, sur le public du livre numérique en France. Les résultats étant loin de montrer un véritable engouement du public, le rapport essaie de cacher au mieux les résultats en jouant sur la présentation des graphiques. On assiste alors à des choses proprement hallucinantes !

Par exemple, alors qu’on apprend dès le début que seulement 47% des Français ont entendu parler du livre numérique et que seulement 5% l’ont déjà essayé, on nous présente le tableau suivant :

fsdf

 Sans les chiffres, en se référant uniquement à la présentation, on a effectivement l’impression que le numérique à un grand avenir… et pourtant, lorsqu’on y rajoute les chiffres... 

grzzccc

... on constate qu'ils ne concordent pas du tout avec le choix de la présentation.

 

Alors, c’est bien beau de nous faire croire que l’avenir du livre c’est le numérique, mais faut pas non plus nous prendre pour des cons !

 

Le numérique c’est, tout au plus, l’avenir de l’édition, aucunement celui du livre !


Kleio


Références bibliographiques :

Etudes de marchés disponibles sur Internet (INSEE, ...)

Pour l'enquête IPSOS mentionnée dans l'article :
Bruno Schmutz, Les publics du livre numérique, Ipsos MediaCt, 29 mars 2010
Ouvrages de base :
Hervé Gaymard, Pour le livre, rapport du l'économie du livre et son avenir, Gallimard, Paris, 2009
Bertrand Legendre, Les métiers de l'édition, Cercle de la librairie, Paris, 2007

Publicité
6 août 2010

Petite sémantique d'économie

Economie_marche_de_concurrence_salaire_minimum_et_reduction_emploi_1_PM060409   














Autant vous le dire tout de suite : je n'ai qu'une formation de base en économie. Je suis quasi-ignorant. D’ailleurs, je ne devrais plus parler d’ « économie », mais plutôt de « science économique ».


Un détail. Simple évolution sémantique me direz-vous. Si seulement... Que sous-tend le concept de « science » aujourd'hui ? Par définition, est scientifique ce qui repose sur une méthode qui a une validité universelle et, si on extrapole un peu, qui doit déboucher sur une vérité incontestable et définitive. Nous arrivons ainsi à une évidence : la science est devenue un totalitarisme ! Un totalitarisme qui fonctionne d’autant mieux qu’il repose sur une ignorance généralisée et conditionnée par sa volonté de s'émanciper du monde tangible. A l'abri, dans son univers parfaitement rationnel, inintelligible au plus grand nombre, la science sait qu'on n'a plus d'autre choix que de se soumettre à sa loi, docilement. Edmond Husserl soulignait déjà ce phénomène en 1936 dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, de même qu'Hannah Arendt dans sa Crise de la culture et, plus récemment, François Lurça dans son essai De la science à l’ignorance.


Cependant, loin l’idée, dans cet article, de contester les avancées de la science. Il est indéniable qu’elles confèrent une source de puissance pour qui les maîtrise. Cependant, il en va tout autrement de leurs fondements idéologiques et, par extension, méthodologiques.

 

Pour illustrer cela, je vais reprendre une anecdote édifiante concernant Albert Einstein. En 1919, on lui apprit que les résultats d’une observation astronomique confirmaient sa théorie de la relativité générale. On lui demanda alors ce qu’il aurait pensé si les mesures des astronomes l’avaient contredit. Einstein répondit froidement : « J’en aurais été bien fâché pour le cher Bon Dieu : la théorie est juste. »

 

Ce qu’on pourrait prendre pour de l’arrogance est, en réalité, la thèse dominante au sein de la communauté des scientifiques et des philosophes des sciences, comme Bachelard et ses successeurs. L’expérience n’a plus rien à nous apprendre.

C’est ce mode de pensée qui explique qu’on assiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à une véritable explosion des théories supposément scientifiques appliquées à tous les domaines de la connaissance, au premier rang desquels se trouve l'économie. Le fait que ces théories se contre disent les unes les autres importe peu, puisqu'elles concordent toutes sur un point : l’économie répond à des règles intelligibles et parfaitement rationnelles. Bref, l’économie est devenue une science au même titre que les mathématiques. Si les résultats constatés ne sont pas ceux escomptés, tant pis ! La théorie est juste. Il faut juste augmenter le coefficient d’incertitude (comprendre des comportements irrationnels) et on retombera sur nos pieds.

 

Il est alors amusant de constater à quel point la théorie a influé sur le champ sémantique de l’économie (la vraie, pas la science). Désormais, les indicateurs de contrôle des résultats ne sont plus exprimés en termes d’« objectifs », mais en termes de « prévisions ». Évolution majeure, car, si un objectif est un but à atteindre, pas forcément rationnel, une prévision est ce qui arrive lorsqu’on suit la théorie à la lettre. Comme la théorie ne peut anticiper les évènements imprévisibles (ou plutôt, qu’on ne peut pas encore prévoir), on se permet des prévisions hautes et basses (des morceaux de scotch) qui se révèlent, au bout du compte, fausses toutes les deux.

 

Certains diront qu’Einstein et Bachelard ont raison, la théorie est juste, la science économique a raison, simplement, elle n’a pas encore trouvé la bonne équation. Peut-être. Mais en attendant, tout le monde reste les yeux rivés sur les prévisions, appliquant la théorie, sans rien y comprendre, aucunement concerné. Alors l’économie se casse la gueule sans que la science puisse y faire grand-chose.

Au final, que reste-t-il ? Des savants qui élaborent des théories justes, pour des ignorants incapables de les appliquer correctement. C’est cela la science : une vérité incontestable qui n’existe pas. En somme, comme tous les totalitarismes, la science est une utopie.


Kleio

A voir : http://www.autisme-economie.org/

Références bibliographiques :

Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, Presse Universitaire de France, 1934.

Hannah Arendt, La crise de la Culture, Gallimard, 1972.

Edmond Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Gallimard, 2004.

François Lurça, De la science à l’ignorance, Ed. du Rocher, Paris, 2001.

29 juillet 2010

Translatio Imperii

pic38








En arpentant les rayons d'une librairie, je suis tombé, par hasard, sur le court essai de Peter Sloterdijk, Si l’Europe s’éveille. A ma grande surprise, et ma grande joie, j’y ai retrouvé certains des thèmes abordés dans mon article Mélancolie française et son remède. Cependant, malgré des points de rencontres, nous divergeons sur l'essentiel, à savoir l'interprétation et l'importance à attribuer au concept de « translatio imperii ».


En le traduisant par « transfert de l’Empire », Peter Sloterdijk prétend affirmer que les Etats issus du démantèlement de l’Empire romain ont pu forger l'unité et l'identité européenne grâce à leur volonté commune - mais chacun à sa manière - de recréer l’Empire. En claire, pour Peter Sloterdijk, c’est le « translatio imperii » qui a permis l’ « européanisation de l’Europe ».


On remarquera que cette thèse est très proche de celle présenté par Eric Zemmour dans Mélancolie française.


En ce qui me concerne, je serais plus prudent. Historien de formation, j’ai appris à me méfier de la sur-interprétation. Pour moi, le « translatio imperii » est une notion  de la pensée médiévale très orientée politiquement. Chaque royaume se l'appropriait pour mieux se légitimer. Par conséquent, elle présente une valeur explicative de l’histoire de l’Europe très réduite, voir nulle.

Certes, depuis sa chute, l’Empire romain n’a cessé de fasciner, mais uniquement comme une référence dont on se sert ponctuellement, lorsqu’on a besoin de justifier quelque chose de nouveau. Je ne crois pas un instant que la volonté de recréer l’Empire romain ait servi de ligne directrice à la formation de l’identité européenne. En revanche, je suis persuadé que l’unité européenne est due à une continuité de l’Empire romain par le biais de l’Eglise, qui a fait perdurer son héritage contre l'affermissement grandissant des Etats. Car, contrairement à ce que laisse penser Solterdijk, les Etats n’ont eu de cesse d’affermir leurs frontières et leur identité spécifique contre l’unité. Il fallait être le plus différent possible pour avoir des ennemis. Et ce n’est pas un hasard si la fin de la puissance européenne survient avec l’anéantissement du 3ème Reich, un monstre païen.


C’est pour toutes ces raisons que je préfère traduire « translatio imperii » par « transfert du pouvoir », ou « transfert du commandement ». Pour moi, ce n’est qu’un concept philosophique ; une utopie historique qui annonce le transfert volontaire du pouvoir d’un Etat vers son héritier. Une manière d'expliquer a posteriori le processus dialectique de l'Histoire, sans tomber dans le travers déterministe.


Cependant, malgré cette divergence d’opinion, je me retrouve tout à fait dans la suite du développement de Peter Sloderdijk. Il est incontestable qu’après 1945, on a assisté au transfert de la puissance européenne vers ses « libérateurs », les Etats-Unis et l’URSS, puis, en 1990, de l’URSS vers les seuls Etats-Unis. Depuis 1945, l’Europe n’est plus le centre du monde. Anéantis, dégoûtée d’elle-même, elle a perdu toute volonté de grandeur, ainsi que toute capacité de décision. Sa construction bureaucratique témoigne de ce désengagement historique.


Son seul moyen de revenir au centre du monde serait de se recréer dans une nouvelle vision d’elle-même. Reprendre la voie de la grandeur, hors du modèle impérialiste.


Kleio


Références bibliographiques :

Peter Sloterdijk, Si l'Europe s'éveille, Mille et Une Nuit, Paris, 2003.

Jacques Le Goff, La civilisation de l'Occident médiéval, Flammarion, 1982.

25 mai 2010

La décadence comme principale menace de la démocratie et du liberalisme

aron






Pour compléter mon article précédent, je souhaiterais vous rapporter quelques lignes de Raymond Aron au sujet de son essai Plaidoyer pour l'Europe décadente.

Elles ont le mérite de présenter directement et concrètement les problèmes que rencontre les régimes démocratiques contemporains :

"Deux philosophies (ou visions) de l'histoire inspirent simultanément ma méditations, bien qu'elles passent pour contradictoires : d'un coté la foi démocratique et libérale, la conviction que les régimes démocratico-libéraux, avec une économie mixte, constituent, à notre époque, la solution la meilleure ou, si l'on préfère, la moins mauvaise ; de l'autre coté, la conscience que ces mêmes régimes peuvent susciter une sorte de guerre civile permanente, les citoyens y devenir de purs consommateurs, les groupes de pression s'y multiplier et paralyser l'Etat. Sans adopter l'interprétation spenglérienne selon laquelle la civilisation urbaine, utilitaire, démocratique marque en tant que telle une phase de décadence des cultures, il est légitime de se demander, à la suite de Pareto et de beaucoup d'autres, si l'épanouissement des libertés, le pluralisme des convictions, l'hédonisme individualiste ne mettent pas en péril la cohérence des sociétés et leur capacité d'action."

Raymond Aron, Mémoires, Juillard, Paris, 1983, p. 680

Kleio

12 mai 2010

La France, ou le déclin de la démocratie

manifestation_jeunes_France_m











La France n’est plus une démocratie. Peu le conteste, mais tous, ou presque,  refusent d'assumer leur part de responsabilité dans ce naufrage. On préfèrent incriminer  la force insurmontable de l'Histoire, les règles déloyales d'un monde devenu trop grand et la destruction de la culture individuelle par la culture de masse.


Je récuse ce raccourci simpliste.

La mondialisation et le libre-échange ont des répercutions sur la vie économique du pays, c’est certain, mais j’aime à penser, comme Raymond Aron, que le sens de l’Histoire, qui nous entraîne, nous laisse, néanmoins , à tout moment la liberté d’agir - ou non - à condition de faire l’effort de nous poser trois questions :


- Que puis-je savoir de manière valable sur la société dans laquelle je vie, qui me fait ce que je suis, dont je ne peux pas me détacher, mais dont je veux me détacher pour comprendre objectivement ?

- Que dois-je faire dans une société que je connais mal, face à un avenir que, comme tout le monde, je ne peux pas prévoir ?

- Que puis-je espérer, non pas dans l’autre monde, mais dans ce monde, de la société qui sera celle de mon avenir, du moins de l’avenir de mes enfants ?


Mais la vérité, c’est que les français ont renoncé à se poser des questions. Ils ont cessé de penser et sont devenus incapables d’agir.

Cette perte totale de volonté, les Français la compensent par une course absurde vers la satisfaction immédiate : le pouvoir d’achat. Aux hommes politiques d’achever la démocratie en privilégiant la victoire aux prochaines élections sur le bien commun. Désormais, la France n’est plus qu’une foule mécontente.

Seule une conception simpliste de la chose politique peut encore désigner la France contemporaine comme une démocratie.

 

Les Grecs de l’antiquité considéraient six formes de constitutions qui se succédaient d’une manière cyclique : la royauté, autorité du plus juste, qui dégénérait en autocratie, pouvoir transmis héréditairement, qui amenait une aristocratie, assemblée des plus méritants, qui dégénérait en oligarchie, assemblée de privilégiés, qui amenait une démocratie, gouvernement par l’ensemble des citoyens, qui dégénérait en ochlocratie, dictature de la populace, puis le cycle recommençait ad vitam aeternam. Ce cycle était la progression naturelle des régimes politiques, le modèle parfait. C'est de cette manière que devait évoluer les choses si aucune ingérence extérieure n'influait directement sur le processus.


Si les Grecs voyaient en la royauté, l’aristocratie et la démocratie trois régimes "purs," ils se refusaient d’en juger un meilleur que les deux autres. Chacun d’entre eux était le plus légitime à un moment du développement de la cité. C’est dans cette conception de l’Histoire que Polybe pouvait affirmer que « de même que pour le fer, la rouille, et pour le bois, les vers et les tarets sont des fléaux consubstantiels, sous l’action desquels ces matières, fussent-elles protégées contre tous les agents destructeurs externes, subissent une dégradation dont la cause se trouve en elles, tout de même les constitutions, de par leur nature, sont minées chacune par un mal congénital dont elles ne peuvent se défaire. »


Aujourd’hui, on ne distingue plus que « démocratie » et « totalitarisme », soit les bons et les méchants. Signe d’un appauvrissement de la chose politique depuis l’antiquité. Pourtant, parmi les régimes autoproclamés « démocratiques », aucun n'échappe à une forme de totalitarisme : celui de la masse. Les programmes politiques sont élaborés comme des plans marketing : on fait des études de marché, on examine les panels, on lance des sondages, ...


Polybe expliquait que « dès lors que, poussée par cette soif insensée d’honneurs, on a rendu le peuple vénal et avide de largesse, c’en est fait de la démocratie. Celle-ci se transforme en un régime dans lequel on gouverne par la force et les voies de fait. Habitués désormais à dévorer le bien d’autrui et à compter sur le voisin pour le faire vivre, les petites gens se trouvent un chef en la personne de tel homme hardi et entreprenant, auquel son dénuement interdit d’exercer les charges publiques, et c’est le gouvernement par la force qui s’installe. Le peuple ameuté massacre, exile, décrète le partage des terres, cela jusqu’au moment où, s’étant ravalé au rang de bête féroce, il se trouve à nouveau placé sous l’autorité d’un maître qui gouverne en despote. »


Pour être plus claire, pour moi, la France a dépassé depuis longtemps la frontière qui sépare la démocratie de l’ochlocratie. Désormais, ce n’est plus le bien commun qui gouverne, mais l’opinion publique.

Et je terminerai mon article par cette citation du même Polybe, qui explicite parfaitement mon sentiment :

 « un régime dans lequel la masse tout entière des citoyens a tout pouvoir pour faire tout ce qu’il lui plaît et pour imposer à tous ses désirs ne saurait passer pour une démocratie ».

 

Kleio

Références bibliographiques :

Université d'Oxford, Dictionnaire de l'antiquité, sous la dir. de M. C. Howatson, Robert Laffont, Paris, 2007.
Raymond Aron, Leçons sur l'histoire, Edition de Fallois, Paris, 1989.
Polybe, Histoire, Livre VI, trad. Denis Roussel, ed. Quarto Gallimard, Paris, 2003, pp. 549-559.

Publicité
11 avril 2010

La mélancolie française et son remède

europe_nuit















« La France, ou L’art de sortir de l’Histoire »… Malgré les apparences, il ne s’agit pas d’un présage apocalyptique d’un désespéré. Bien que volontairement provocant, il s’agit, avant tout, d’annoncer un programme.


Qu’on le veuille où non, la France est en train de sortir définitivement de l’Histoire. A mon sens, l’accepter ne signifie pas se résigner. Je crois qu’il est possible de sortir de l’Histoire par le haut. Mais pour ce faire, il faut être capable de comprendre l’évolution du monde et s’y adapter.


La France doit devenir une puissance locale, c’est-à-dire un Etat européen à part entière et rien d’autre. Ce qu’elle a toujours été finalement. Le temps où la France pouvait agir à sa guise dans le monde n'a jamais existé. Elle a toujours du tenir compte de l''intérêt de puissances équivalentes. Par contre, il est vrai qu’elle fut un temps la puissance dominante en Europe. C’est ce à quoi elle doit aspirer à présent.

Pour cela, la France doit continuer de se développer économiquement, culturellement et politiquement. Seule une France sûre d'elle-même dans une Union Européenne forte pourra continuer à défendre ses intérêts.


L’art de sortir de l’Histoire c’est, au fond, la manière de transmettre son pouvoir d'intervention directe dans les problèmes du monde.


Les penseurs du Moyen-âge parlaient de « translatio imperii » pour désigner la passation naturelle du pouvoir d’un Etat à un autre. Et, dans ce contexte, passation était synonyme de transmission. Aucune allusion à une quelconque destruction.


La France a une Histoire riche, il serait malheureux que ses enseignements disparaissent avec elle.

"Sortir de l'Histoire" ne veut pas forcément dire "fin de l'histoire".

Qu'on ne s'y trompe pas, ce blog n'aspire à aucune vérité !

Et d'ailleurs, tant mieux ! La vérité est trop difficile d'accès et appartient à trop peu de gens. Elle est inutile et je la méprise !

Je lui préfère ma réalité : bien plus personnelle, changeante et, d'une certaine manière, intéressante.


Ce blog est une tentative sincère de partager une pensée individuelle, à défaut d'être indépendante.

Rendre compte du ronronnement apaisant du monde parfaitement rond d'un français au début du troisième millénaire.

 

Je ne prétends pas être un visionnaire. Dans ce blog, je ne vous exposerai pas ce qui sera. Tout au plus, je prendrai le risque de vous dire ce que je voudrai qu’il soit. La plupart du temps, je vous dirai ce que je vois.

Pour être plus clair, je vous parlerai de ce que je crois comprendre du monde depuis mon bureau et  la bibliothèque d’où j’écris. Et ma compréhension du présent passera par une compréhension du passé et des possibilités du futur.

Je ne serai jamais impartial ou objectif, mais je serai toujours documenté et réfléchi. Cela vaut bien mieux, je crois.


Kleio

Publicité
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité